LE PAS BOUGER À MA SAUCE
L’apprentissage du pas bouger est un grand classique, aucun cours d’éducation n’y échappe. Utile dans la vie de tous les jours, c’est également un exercice qu’on retrouve dans de nombreuses disciplines canines dans sa version « absence du maître ».
UN PEU DE THÉORIE AVANT DE VOUS DÉTAILLER COMMENT JE L’APPRENDS À MES CHIENS
L’ORDRE « PAS BOUGER » OU « RESTE » NE SERT À RIEN
Ça commence bien ! Je suis désolée d’être désagréable dès l’intro, mais oui l’ordre « pas bouger » ne sert techniquement à rien dans la mesure où il devrait être compris dans le package de chaque position.
Je m’explique. Quand je demande un assis à mon chien, ça signifie en fait, pose tes petites fesses par terre et reste assis comme ça tant que je te demande pas autre chose incompatible avec le fait de rester dans cette position (apporte, rappel au pied, coucher) ou que je ne te libère pas de cet ordre assis (repos soldat). Le fait de ne pas changer de position, de ne pas quitter la position, de ne pas bouger tant que je ne le dis pas est donc compris dans le « forfait ».
- Alors pourquoi rajouter l’ordre « pas bouger » ou « reste » alors que je le dis déjà rien qu’en demandant « assis », « couché » ou « debout » ?
Ben euh… parce que j’ai le droit de le dire loool. En fait, je m’en sers comme d’un filet de secours, genre t’as compris hein « TU BOUGES PAS ». C’est plus pour me rassurer qu’autre chose parce qu’en fait, si je dis assis à Enken et que je m’en vais, bah il reste assis sans bouger même si j’ai oublié de dire « pas bouger ».
De la même façon, beaucoup de conducteurs codent leurs pieds. Quand le chien est à côté d’eux, s’ils démarrent avec la jambe gauche (jambe du côté du chien), le chien sait qu’il doit les suivre, que c’est l’exercice de marche sans laisse, alors que s’ils démarrent avec la jambe droite, le chien sait qu’il doit rester en place et que c’est l’exercice du pas bouger. J’essaie aussi d’y penser, mais clairement quand j’ai dit « pas bouger » mon chien ne bouge pas même si je me plante de jambe lol (heureusement car ça m’arrive souvent). C’est surtout encore un truc de plus, un filet de secours pour me rassurer moi. Et si avec l’ordre assis pas bouger, je démarre avec la jambe droite, soit « ne bouge pas », « ne bouge pas » , « ne bouge pas », il comprends pas, je sais plus ce que je dois faire looooooool !
L’autre raison c’est que je suis totalement imparfaite. S’il y avait un bureau de réclamation canin, mes chiens iraient sans doute se plaindre de mon incompétence dans la seconde. Apprendre à ses chiots que l’ordre « pas bouger » est compris dans le forfait de chaque position demande une certaine rigueur de travail. J’essaie d’y faire très attention. Quand je leur apprends une position (assis, debout ou coucher), je fais gaffe à bien donner mon ordre de libération avant qu’ils ne bougent, ou à le coller juste sur l’instant où ils bougent quand je n’ai pas réussi à les devancer (pour faire genre, nan nan tu t’es pas trompé, j’avais dit que tu avais le droit de bouger). Avec l’expérience, c’est devenu assez naturel pour moi. Le « forfait tout compris » est donc acquis assez facilement par mes chiens. Mais je sais que ce n’est pas évident pour tout le monde, qu’être rigoureux 7 jours sur 7 est compliqué, qu’on peut oublier. L’ordre « pas bouger » peut alors être rajouté pour pallier à un « forfait tout compris » moins acquis.
L’ORDRE DE LIBÉRATION
L’ordre de libération est un des plus importants ordres de base, pourtant rarement décrit ou enseigné. Il sert à « libérer le chien ». En gros il dit au chien « repos soldat », tu n’es plus « sous ordre ». Tu peux bouger, aller jouer, sauter partout, on n’est plus en train de travailler. Le travail reprend en fait quand on donne un nouvel ordre (que ce soit deux secondes, deux minutes ou deux heures après).
Il veut aussi dire « je te donne l’autorisation de » quand il est utilisé pour libérer le chien en lui donnant accès à une récompense. Je te donne l’autorisation d’aller chercher la balle posée au sol, je te donne l’autorisation d’aller manger ta gamelle, l’autorisation d’aller te baigner, d’aller jouer avec ce chien là-bas (donc permets de bosser les auto-contrôles), de traverser la rue, de descendre de voiture (pratique en terme de sécurité), de franchir cette porte ou de monter faire un câlin sur le canapé (techniquement les miens ont le droit tout le temps sans ordre spécifique, donc dans ce contexte-là, je n’ai pas besoin d’ordre de libération).
J’utilise pour ma part le mot « ouiiiiiiiiiiiiii » mais chacun peut utiliser le mot qu’il veut « ok », « va jouer ». Pour mes chiens, le clic du clicker est aussi associé à un ordre de libération (quand ils entendent le clic ils savent qu’ils peuvent venir prendre leur récompense). C’est un choix de ma part. D’autres vont enseigner à leur chien la distinction entre simple et double-clic (simple clic = c’est bien et ordre de libération, double-clic = c’est bien mais continue).
- Pourquoi j’en parle dans un article consacré à l’exercice du pas bouger ?
En fait, j’apprends l’ordre de libération à mes chiots en même temps que je travaille le pas bouger. J’utilise le travail à la gamelle détaillé plus loin pour initier mes chiots à cet ordre dès le premier soir à la maison. Même si j’utilise ensuite plein d’occasions pour renforcer leur compréhension, le tout premier exercice de libération se fait sur la gamelle.
Et surtout parce qu’il est une des composantes fondamentales du travail de « pas bouger ». Parce que c’est bien beau de demander à son chien « de ne pas bouger », mais il ne doit pas bouger jusqu’à quand ? C’est lui qui décide quand c’est fini ? Jusqu’à ce que mon maitre revienne, prenne la laisse ? Jusqu’à ce qu’il dise au pied ? Ok mais je lui saute dessus pour lui faire la fête quand alors, je peux même s’il m’a dit au pied ?
Rendre le signal de fin d’exercice clair structure l’apprentissage et donc le facilite. Mettre un cadre défini avec un début et une fin, permet aussi au chien de savoir qu’il n’a besoin de se concentrer que du signal de début au signal de fin de l’exercice. Cela facilite et donc augmente sa concentration, l’investissement et l’intensité de son travail (c’est plus facile de tout donner sur un temps défini que sur un truc sans repère). Sa mission est claire, ne pas bouger sauf contrordre (rappel, envoi à l’attaque, apporte…) ou ordre de libération.
LES 3 D
D comme Distraction – D comme durée – D comme Distance
Ce sont les trois paramètres à prendre en compte quand on travaille le Pas bouger.
Nous verrons comment dans la suite de cet article.
Mais, il faut savoir qu’on ne travaille pas ces paramètres dans n’importe quel ordre. Merci d’ailleurs à Spencer du blog hulk-du-boxitan de m’avoir éclairé à ce sujet (je le faisais dans le bon ordre mais totalement inconsciemment et par hasard lol).
- On doit d’abord travailler le D des distractions.
Un chien ne bouge pas sans raison, souvent il bouge parce qu’il trouve un truc plus intéressant à faire, parce que vous avez-vous-même bougé et qu’il cherche à vous suivre d’où l’intérêt de bosser de suite les distractions - Ensuite on travaille le D de la durée (à moins d’un mètre du chien).
Si le chien bouge à la durée, c’est qu’il ne maitrise pas les distractions (c’est logique, plus on allonge le temps, plus il a l’occasion d’être distrait) - Et enfin on travaille le D de la distance.
Si le chien bouge à la distance, c’est qu’il ne maitrise pas le D des distractions (il cherche à suivre vos mouvements par exemple donc à vous suivre quand vous vous éloignez) ou le D de la durée (la téléportation n’existant pas, s’éloigner et revenir prends du temps lol).
MON PAS BOUGER N’EST PAS FORCEMENT LE TIEN
Pour Laurent, le « pas bouger » voudra seulement dire « ne te relève pas », « ne te déplace pas ». Pour moi, le « pas bouger » veut dire en plus « ne bascule pas en vache » car je trouve ça moche un chien couché ou assis en mode tout avachi et que j’aime que mes chiens investissent un minimum d’efforts et d’intensité dans l’exercice. Pour Didier, il signifiera également « ne bouge pas la tête d’un poil, garde-là dans l’axe où je suis parti » etc.
Cela dépend des personnalités, des sensibilités, du chien avec qui on travaille (on sera plus exigeant par exemple avec un chien réactif, on s’adaptera aux spécificités morphologiques d’un autre), des besoins, de la pratique ou non d’une discipline en compétition, de l’exigence des critères de notation de ces disciplines pratiquées.
Rappelez-vous seulement que pour un chien l’ordre « pas bouger » ne veut pas dire intrinsèquement quelque chose en particulier, c’est vous qui lui en enseignait la signification exacte « pour vous ». Vous fixez les critères qui disent « ça c’est un pas bouger qui est juste », « ça c’est un pas bouger qui est faux » et vous récompensez les « pas bouger juste » et reprenez l’exercice à zéro quand « le pas bouger devient faux » (pour moi quand le chien passe du couché en sphinx en couché en vache, pour Laurent uniquement si le chien se met à ramper). Vous devez donc en premier lieu déterminer ce que signifie POUR VOUS « pas bouger », fixer vos critères et vous montrer dès le départ rigoureux.
L’INITIATION AU PAS BOUGER DÈS LA MATERNELLE
À la maison, avec mes bouts de chou de 8 semaines, l’apprentissage commence dès le premier soir avec leur gamelle et est travaillé à chaque repas. C’est que ça mange beaucoup à cet âge-là.
LES TOUT PREMIERS REPAS
Pour leurs premières fois, je ne dis absolument rien (ni « pas bouger », ni « assis »). Totalement silencieuse, je tiens juste leur gamelle en hauteur, inaccessible. Je laisse en fait mes chiots comprendre d’eux-mêmes où est leur intérêt. Le principe est tout bête.
Tu restes calme et tu n’essaies pas de sauter sur la gamelle, elle descend
Tu essaies de la voler, tu essaies de sauter dessus,
elle remonte et redevient inaccessible
A ce stade-là de l’apprentissage, je ne suis pas trop exigeante, ce ne sont que des petits chiots. L’exercice ne dure donc qu’une poignée de secondes tout au plus. Dès que j’obtiens le calme voulu, je pose très vite la gamelle par terre (le geste doit être rapide pour qu’il n’y ait aucun doute possible), et je donne dans le même temps mon autorisation d’y aller via mon ordre de libération (ouiiiiiii !). Les canidés n’étant pas du genre stupide, ils apprennent vite ainsi par tâtonnements qu’il vaut mieux rester tranquille.
LE SURLENDEMAIN
Je complique déjà la tâche. Maintenant je veux un assis même si je ne demande rien. Toujours aussi muette, j’attends avec ma gamelle en l’air que la bestiole s’assoit d’elle-même.
Généralement, les chiots proposent assez naturellement cette position assise, d’autant qu’à cet âge je n’arrête pas de la récompenser. Mais je peux également m’aider de ma gamelle comme d’un leurre géant pour les faire basculer dans cette position (en la tenant au-dessus de leur tête, légèrement en arrière).
J’attends donc (faut savoir être patient), je ne dis rien. Et dès qu’ils posent leurs fesses par terre, pouf, je pose rapidement la gamelle par terre en donnant dans le même temps mon ordre de libération (ouiiiii !).
LES JOURS SUIVANTS
Il est l’heure d’apprendre les règles du jeu.
Tu restes assis sans bouger, la gamelle descend.
Tu te relèves, quittes le assis, la gamelle remonte.
Bien évidemment, surtout à cet âge, il va falloir y aller tout en douceur et en progressivité.
Les premières fois, on se contentera de vouloir un assis légèrement plus long. Au lieu de poser rapidement la gamelle par terre (en donnant l’ordre de libération) dès que les fesses touchent le sol, on attendra 1 seconde de plus, puis deux, puis trois avant de le libérer. A noter que pour cette étape, on tient toujours la gamelle très haute avant de la poser d’un coup rapidement sur le sol à l’ordre de libération.
…….
Quand il arrive à attendre trois secondes sans quitter le assis, on peut commencer à mettre la gamelle en mouvement. Même rituel qu’habituellement, toujours sans rien dire, vous tenez votre gamelle en hauteur, vous attendez qu’il s’asseye, et quand il le fait, vous commencez à baisser le bras pour faire descendre votre gamelle tout doucement. S’il bouge, vous ne dites toujours rien, vous vous contentez de remonter votre gamelle. Vous attendez qu’il se rasseye pour essayer à nouveau de la faire descendre sans qu’il bouge. C’est un jeu de patience.
L’objectif au départ est de réussir à baisser la gamelle de quelques centimètres sans qu’il ne se relève, pas de parvenir à la poser sur le sol. Il ne faut pas en vouloir trop au risque de ne rien avoir du tout. Donc dès que vous arrivez à la baisser un peu sans qu’il quitte son assis, pouf vous donnez votre ordre de libération et vous la posez rapidement sur le sol. (Remarquez la différence de vitesse dans le geste). Petit à petit, vous augmenterez le nombre de centimètres de descente à obtenir avant de lui donner l’autorisation de manger, jusqu’à le libérer à quelques centimètres du sol, puis carrément qu’une fois la gamelle posée à terre.
C’est aussi un jeu d’observation. Il faut réussir à sentir quand le chiot risque de craquer pour le libérer juste avant, afin de ne pas le mettre en échec.
…….
Quand on parvient à poser la gamelle au sol sans que le chiot bouge, on augmente petit à petit la durée avant de donner son ordre de libération : une seconde, deux secondes, trois secondes, cinq secondes. A ce stade, il faut rester vigilant et être prêt à reprendre la gamelle, car si le chiot essaie de se précipiter dessus, on récupère la gamelle et on la remet en hauteur, hors d’atteinte sans rien dire avant de recommencer l’exercice.
CODER L’EXERCICE
Comme vous êtes des élèves attentifs, vous aurez remarqué que jusqu’à maintenant, je ne parle pas à mes chiots, je ne donne aucun ordre mis à part l’ordre de libération.
C’est une habitude chez moi, j’aime attendre que mes chiots connaissent un peu l’exercice avant de rajouter l’ordre qui y correspond. Pour l’instant, l’exercice fonctionne donc en mode « ordre contextuel », c’est le contexte (présence de la gamelle) qui dicte au chiot ce qu’il doit faire. Mais il faudra bien passer en mode « ordre verbal ».
Je m’y attèle quand ils sont capables d’attendre quelques secondes, gamelle posée au sol en introduisant l’ordre « assis pas bouger » en début d’exercice. Comme le chiot connaît un peu la chanson et a déjà acquis les règles de l’exercice, je prends moins le risque qu’ils « désobéissent » à l’ordre donné.
Néanmoins, même s’ils se trompent, se relèvent alors que j’ai demandé un « assis pas bouger », je ne sanctionne pas, je ne dis pas non, je me contente de faire comme auparavant : la gamelle redevient inaccessible. On recommence l’exercice depuis le départ.
ON AJOUTE UN PEU DE PIMENT DANS LA GAMELLE
Vous vous souvenez du principe des 3D ? Et bien il est maintenant temps de l’appliquer. Désormais, votre chiot commence à comprendre ce qu’on attend de lui : ne pas bouger tant qu’on ne donne pas l’ordre de libération. Il faut juste peaufiner tout ça.
Nous avons déjà bien travaillé le D de distraction : la gamelle est une sacrée distraction surtout quand on a faim !
Passons au D de la durée. Votre chiot sachant attendre quelques secondes, gamelle posée au sol, il est temps d’augmenter un peu le délai avant de donner l’ordre d’autorisation. Très progressivement, ajoutez quelques secondes. Je me fixe pour ma part l’objectif de 30 secondes à atteindre avant de passer à la suite. N’oubliez pas non plus de ne pas toujours demander la même durée (sinon vous allez lui apprendre à compter), variez les plaisirs pour rester imprévisible.
Un zeste de D de distraction supplémentaire. Après la distraction gamelle, c’est la distraction-maîtresse qui entre en jeu. Nous allons nous mettre à bouger (sans s’éloigner), à faire des gestes, à poser la gamelle cette fois-ci rapidement, à le caresser, à se déplacer autour de lui, à sautiller etc etc… avant de donner notre ordre de libération. S’il bouge, même prescription que précédemment, on reprend la gamelle sans rien dire et on recommence tout depuis le début.
A nous, le D de la distance. Si toutes les autres étapes ont été suivies à la lettre, celle-ci est une formalité. On commence par faire un pas en arrière, avant de revenir au chien pour le libérer, puis deux pas, trois pas, et ainsi de suite jusqu’à pouvoir s’éloigner de plusieurs mètres. On peut aussi jouer sur la distance entre la gamelle et le chien en plaçant dès le départ le chien plus loin.
ET ENSUITE ?
C’est l’heure de la tambouille ! On s’amuse à mixer tous les paramètres, à associer distance et durée, durée et distraction. On prend juste garde, comme dans tout apprentissage, de diminuer une difficulté quand on en augmente une autre.
Je commence aussi à le travailler avec une autre position de départ (souvent le coucher) pour élargir l’apprentissage.
LE DOUBLE EFFET KISS-COOL
L’air de rien à travers cet apprentissage, ce n’est pas seulement l’exercice du « pas bouger » qu’on enseigne au chien mais aussi :
- L’autocontrôle (notamment face à la nourriture)
- Le principe du premack (faire ce que demande le maître pour obtenir ce qu’on veut)
- Le fait d’être acteur de son apprentissage (c’est mon comportement qui déclenche l’accès à la récompense), de proposer des comportements (même sans utiliser ici le clicker)
- Le fait que le maître est un mec génial, qu’il faut se mettre dans la poche car c’est le pourvoyeur de l’accès aux ressources (c’est lui qui donne l’autorisation de)
L’ÉTAPE SUIVANTE : LE PAS BOUGER DE L’ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE
Avec mes précédents chiots, je m’arrêtais à cette étape-là. Ils y sont tous passés, même Newton mon tout premier chien éduqué en méthode traditionnelle il y a presque 20 ans. Cet apprentissage faisait juste partie de l’éducation dans la vie quotidienne pour gérer le moment des repas, c’est tout.
Blonde que je suis (intérieurement en tout cas), je n’avais jamais songé à m’en servir pour leur apprendre l’exercice du « pas bouger », que ce soit pour briller dans le cours d’éducation de base ou carrément pour les besoins de la compétition. Je reprenais en fait l’apprentissage classique de zéro sur le terrain d’entrainement : on recule d’un pas, si le chien bouge, on revient, on le remet en position, on réessaie, etc, etc…
Avec Enken, j’ai donc innové ! Et je pense que je ne le travaillerais plus différemment !
1ère ASTUCE : LE TRANSFERT D’APPRENTISSAGE
Au lieu de perdre le bénéfice du travail à la gamelle en reprenant tout à zéro, je commence par transférer cet apprentissage sur un autre objet « plus pratique à transporter » : la balle ! On adapte juste une connaissance acquise à une situation nouvelle.
Nul besoin de vous détailler la procédure, vous faites exactement comme avec la gamelle, sauf que c’est la balle que vous tenez en main (puis petit à petit que vous essayez de poser par terre sans qu’il ne bouge). Et cetera, et cetera, vous connaissez la musique.
À noter : Même si on reprend tout à zéro sur ce nouvel objet de motivation, le schéma d’apprentissage reste identique. Le chien garde ses repères ce qui nous permet de franchir les différentes étapes de l’apprentissage plus vite que lors du premier travail à la gamelle où tout était à découvrir par le chien.
À noter bis : Pour pouvoir utiliser une balle, le chien doit aimer cette balle, elle doit être un objet de motivation important à ses yeux. Celle-ci pourrait être remplacée par un pouic, un boudin, une peluche, un ballon de foot, voire même à la rigueur par une boite Tupperware remplie de friandises (même si varier le type de récompense est important à cet âge-là). A vous de voir ce qu’aime votre chien.
2ème ASTUCE : LA GÉNÉRALISATION DE L’APPRENTISSAGE
Jusqu’à présent, je travaillais bien tranquillement dans ma cuisine mais le monde ne se limite pas à mon appartement. Pour consolider l’apprentissage, il faut le généraliser à d’autres contextes : ici d’autres environnements.
L’intérêt de la balle, c’est qu’on peut l’embarquer partout avec soi, donc travailler partout l’exercice du pas bouger. Mais surtout, elle constitue un repère fixe qui permet au chien de reconnaître l’exercice et donc de le réussir plus facilement quand le contexte change. « Ah oui, c’est le truc avec la balle, ça je connais ! Trop facile ! ». Un autre bénéfice de ce travail du pas bouger avec la balle, c’est le principe de focalisation, surtout si votre chien est un dingo de la balle. Concentré sur la balle et la promesse de récompense qu’elle constitue, il sera moins sensible aux distractions de l’environnement. Toute son attention sera en effet dirigé vers la balle, et donc vers sa mission « ne pas bouger pour la gagner ».
Même s’il est préférable de commencer dans des lieux pauvres en distraction (plus facile), plus vous travaillerez dans des lieux différents et riches, plus votre chien maîtrisera l’exercice et le D des distractions. Alors au boulot, dans les champs, au club, sur le bord des terrains de concours, sur les marchés !
À savoir : La règle « Quand on ajoute une difficulté, il faut en diminuer une autre » s’applique également au contexte. Changer de contexte c’est ajouter une difficulté à l’exercice. Ne demandez pas trop compliqué donc pour une première dans un lieu inconnu, revenez un peu en arrière dans l’apprentissage, réduisez la durée ou la distance avant de progressivement re-compliquer le schmilblick.
L’ABSENCE DU MAÎTRE : ON PASSE AU COLLÈGE
L’exercice d’absence du maître est le prolongement classique de l’apprentissage du « pas bouger ». Le chien ne doit plus seulement rester en place sans bouger malgré les distractions, la durée, la distance, il doit le faire même quand son maître disparaît (se cache).
Traditionnellement dans les clubs canins et les disciplines canines qu’on y pratique, nous nous dissimulons derrière des caches en béton. Mais l’exercice d’absence du maître est aussi pratique au quotidien : le temps d’aller faire pipi dans des toilettes publiques lors d’une manifestation, ou d’acheter son pain (même si dans les faits, je les attache quand même avec une laisse à un poteau par sécurité).
Rien d’exceptionnel en termes d’apprentissage : on débute l’exercice en se contentant de passer derrière la cache sans s’y arrêter. Puis on s’y arrête de plus en plus longtemps avant de ressortir chercher son chien.
LE PETIT PLUS APPORTÉ PAR L’UTILISATION DE LA BALLE
On retrouve les mêmes avantages que ceux évoqués lors de la généralisation de l’exercice à des contextes et environnements différents :
- Etre un repère fixe qui aide le chien à reconnaître l’exercice
- La focalisation sur la balle, sur la promesse de récompense qu’elle constitue, et donc sur sa mission « ne pas bouger » plutôt que sur les distractions environnementales
Mais ce n’est pas tout !
Qui dit exercice d’absence du maître, dit absence du maître. CQFD !
Pour certains chiens, cela ne signifie rien. Pour d’autres un poil plus attachés, la disparition de son humain de référence peut devenir un stress supplémentaire, une nouvelle raison de bouger là où aucune distraction, durée, distance ne le perturbait.
J’ai tendance, je le sais, à rendre mes chiens un peu addict à moi, à créer une relation assez fusionnelle avec eux pour pouvoir travailler. A chacun ses armes dirons-nous. Bien évidemment, je bosse dur en parallèle pour que cela ne se transforme pas en hyper-attachement, ils doivent savoir vivre leur vie sans moi.
La focalisation sur la balle, le repère qu’elle devient, m’ont permis avec Enken d’amoindrir la difficulté propre à ma disparition de son champ de vision. J’ai trouvé l’exercice plus facile à apprendre car il s’est du coup moins focalisé sur mon départ (ou sur mon retour). Pour ça que je partage l’astuce avec vous d’ailleurs ^^
COMMENT JE LE TRAVAILLE ?
C’est quasi mathématique, on additionne à l’exercice que le chien connait déjà (pas bouger avec balle), l’apprentissage classique d’absence du maître (passer juste derrière la cache, puis y rester de plus en plus longtemps).
Trois petites subtilités à noter :
- Où est-ce que je pose ma balle ?
Je la pose là où j’aimerais que mon chien regarde donc dans l’axe de la cache (dans l’axe où je disparais), pas trop près du nez du chien pour que son regard se « porte au loin ».
Il existe des disciplines où la fixation du regard pendant l’exercice d’absence du maître est évaluée en compétition. En ring, sincèrement, ils peuvent regarder les avions qui volent vers des destinations exotiques (j’en connais qui le font), on s’en fout tant qu’ils ne bougent pas. Je ne me suis donc pas acharnée sur ce point précis.
- Quand est-ce que je donne mon ordre de libération qui lui permet de bondir vers la balle ?
Etant parano de nature, j’ai choisi de ne pas libérer mon chien de manière aléatoire. J’attends toujours de l’avoir repris en position de base au pied avant de donner mon ordre de libération. Par la suite, je peux décaler cet ordre de libération : en demandant une durée plus longue en position de base, en attendant d’avoir fait deux ou trois pas, seulement après avoir effectué un autre exercice etc… MAIS jamais avant de l’avoir au moins repris au pied.
- Euh et comment on finit par se débarrasser de la balle ?
C’est toujours THE question. Ouais ouais, tu travailles avec une balle, des friandises, un clicker, mais dès que tu ne les auras plus, ton chien n’obéira plus et en concours, pas de balle, pas de friandises. Ce à quoi je réponds toujours : « tu apprends à ton chien les exercices avec une laisse, des longes, pourtant y’en a pas non plus en concours ». Niark !
Mais oui, l’apprentissage ne s’arrête pas là. Se débarrasser de la balle fait entièrement partie de l’exercice. Voici les étapes à suivre :
1/ Au tout début, on montre bien au chien où on pose la balle avant de commencer l’exercice, et on prend soin de la poser à un endroit où elle restera à vue pour le chien durant tout l’exercice
2/ On montre toujours au chien où on pose la balle avant de commencer l’exercice, mais on s’arrange pour qu’il ne puisse plus la voir ensuite de là où il est (herbes hautes, chien placé plus loin, balle plus petite)
3/ On montre toujours au chien qu’on pose la balle (qui sera ensuite hors de sa vue comme précédemment), mais on demande un autre exercice avant de travailler le pas bouger.
4/ Idem mais on travaille de plus en plus d’exercices autres avant de travailler le pas bouger avec la balle (pour qu’il « oublie » un peu).
5/ On montre toujours au chien qu’on pose la balle, mais on le remet en voiture avant de le ressortir pour directement travailler le pas bouger.
6/ Idem mais on augmente le temps resté en voiture, ou le nombre d’exercices effectués avant de travailler le pas bouger une fois le chien de retour sur le terrain.
7/ On va poser la balle sans la montrer au chien (chien en voiture) avant de le sortir sur le terrain pour faire l’exercice.
8/ Idem, mais on augmente le nombre d’exercices effectués avant de travailler le pas bouger.
9/ La balle n’est plus posée, elle est dans votre poche. A l’ordre de libération, le chien ne va plus la chercher au sol, vous lui lancez ^^
10/ La récompense devient aléatoire. Vous ne lancez plus systématiquement la balle de votre poche à la fin de l’exercice, mais qu’une fois de temps en temps.
Décrit ainsi, cela peut paraître long et fastidieux. Dans les faits, c’est souvent plus long à décrire qu’à travailler sur le terrain. Et il ne faut pas oublier que vous travaillez en même temps une tripotée de compétences notamment celle d’être capable d’enchaîner tout le programme sans « rien dans les mains », le principe de récompense aléatoire, et que ce schéma d’apprentissage sera transférable à tous les autres apprentissages avec leurre/cible (donc connu du chien, et donc avec une progression de plus en plus rapide). Et soyons sincères, retirer la longe, la laisse, le collier ne se fait pas non plus d’un coup de baguette magique.
CONSOLIDER L’EXERCICE : VIVE LES ANNÉES LYCÉE
A mon sens, c’est un peu ce que certains sous-entendent quand ils disent « le chien doit travailler par devoir ». Chez moi, j’appelle cette phase, la phase de consolidation : le chien connaît maintenant l’exercice, il le maîtrise, je veux désormais qu’il y obéisse « quoiqu’il advienne ».
Quoiqu’il advienne, promis, je bouge pas du canapé !
Pour ça, j’utilise trois axes de travail :
- J’augmente la difficulté de mes 3D séparément ou en les mixant. Et je déborde d’imagination à ce sujet. On franchit réellement un niveau même si ça reste un jeu entre nous, une sorte de challenge. Exemple : absence du maître dans une rivière avec courant et donc plein de bâtons qui lui passent sous le nez en flottant.
- Je multiplie les contextes de travail différents : environnement, mais aussi position d’absence différente (assis, couché, debout, en position de révérence, de « fais le beau », avec une friandise en équilibre sur la tête).
- Je travaille « l’endurance au travail » – La récompense arrive seulement quand le chien a abandonné l’idée qu’elle existe et ne travaille plus dans l’espoir de l’obtenir. Mon petit défi personnel quand Enken était petit, était par exemple de réussir à enchaîner une absence du maître pour chacune des caches du terrain sans qu’il ne bouge, donc six absences du maître.
- Je travaille en résistance (ça mériterait un article entier lol).
Ouf, nous sommes arrivés au bout de cet article. J’en conviens, il est long, très (trop ?) détaillé, touffu, dense, mais je tenais à bien balayer le sujet pour vous donner un maximum d’informations et de ressources utiles.
7 réflexions sur « LE PAS BOUGER À MA SAUCE »
Merci superbe article
Très instructif… Merci
Bonjour
Je découvre votre Blog !! Et c’est avec grand plaisir que je lis et prends connaissance de vos articles véritable « mine d’or »
Encore bravo tant pour le contenu que pour son écriture
je découvre votre blog félicitations!
trés bien expliqué,bcp de précisions,ce qui le rend trés lisible
est il possible de s’y abonner
Oui, moi aussi, je voudrais bien m’abonner ! 🙂
Je ne suis pas contre l’idée, mais je ne sais pas sous quelle forme le faire : flux RSS, page sur un réseau social ? A vous de me dire ce que vous préférez 🙂
Bonjour, bravo pour cet article. Je travaille ± de la même manière avec mes chiens, mais sans le savoir, je veux dire sans m’attacher à une liste, un cannevas. Ceci va m’aider à presenter l’exercice à mes « élèves », je suis moniteur Education/Agility dans un club canin. Encore bravo!!!
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