Tu te leurres !

Tu te leurres !

Leurre nom masculin singulier
1 – Morceau de cuir imitant un oiseau utilisé en fauconnerie
2 – (pêche)
Appât factice dissimulant un hameçon
3 – [au sens figuré]
Moyen d’attirer et de tromper

Leurrer verbe transitif
Attirer en suscitant de fausses espérances

En éducation canine, le leurre est une friandise, un jouet, quelque chose de très attirant pour le chien. On le tient dans une de nos mains et tel un fil qui irait du nez du chien à votre main, le leurre nous permet de guider notre chien comme une marionnette. Notre main collée au museau du chiot se lève vers le haut, légèrement vers l’arrière, pour la suivre et chercher à l’attraper, il bascule vers l’arrière et se retrouve… ASSIS. Un nouvel ordre sera bientôt appris par ce petit loup. ^^

Dans le même esprit, un leurre peut être la friandise, le jouet, la forte motivation qui va attirer le chien à une place précise à distance de son maitre. Une poignée de dés de jambons posée dans une varikennel invitera le chien à entrer dans la varikennel.

On choisira un type de leurre plutôt qu’un autre suivant ce qu’on cherche à apprendre au chien :

  • les friandises type dés de jambon, de gruyère, croquettes, morceaux de gâteau pour travailler les exercices qui demandent de la précision.
  • les jouets comme la balle, le boudin pour travailler des exercices moins précis qui nécessitent surtout de la vitesse, du dynamisme, une très forte motivation. [Je l’utilise rarement hormis pour les places à distance comme la varikennel, le panier, un placement de saut]
  • les friandises type pâté de foie, fromage à tartiner : pour garder le chien plus longtemps sur soi (c’est long à lécher le pâté) qui peuvent aider à fixer des chiens un peu craintifs et distraits par l’environnement sur soi. Merci à Gilda pour cette astuce.

Par contre ici, pas question de duper le chien. Une fois que le leurre l’aura amené à exécuter le geste qu’on souhaite, votre chien gagnera bel et bien ce leurre en récompense ! L’idée n’est pas de l’attirer pour ne pas lui donner au final… Car croyez-moi, il aura vite fait de comprendre la supercherie et de ne plus s’y intéresser !

FAUT PAS SE LEURRER : NE PAS CONFONDRE LEURRE ET RÉCOMPENSE

Mon chien revient quand je l’appelle
que si j’ai mon pouic-pouic dans ma main,
sinon il s’en fiche.

 C’est la principale erreur qu’on rencontre car leurrer est différent de récompenser. Explication dans le texte.

Pour apprendre au chien à revenir vers soi, on préconise souvent d’utiliser une forte motivation (nourriture, jouet préféré) pour attirer le chien vers soi et le récompenser en lui donnant la friandise ou en jouant avec lui et le joujou en question. (ici le pouic-pouic).

Le problème c’est que l’apprentissage ne doit pas s’arrêter là, sinon vous risquez d’avoir les mêmes ennuis que cette personne, une fois le pouic-pouic disparu, le rappel disparait aussi (puisque le chien obéit au bruit ou à la vue du pouic-pouic et non à votre ordre récompensé par le pouic-pouic). Il faut faire une transition pour que le pouic-pouic leurre, devienne un pouic-pouic récompense et seulement à cet instant vous pourrez commencer à dire que votre chien sait ce qu’est le rappel.

POUIC-POUIC LEURRE :
on remue le pouic-pouic au loin pour attirer l’attention du chien
le chien intéressé vient pour pouvoir jouer avec
on colle un ordre au fait qu’il revienne (X au pied par exemple)
et on lui donne le pouic-pouic en récompense.

POUIC-POUIC RECOMPENSE :
on donne l’ordre de rappel (X au pied par exemple)
MAIS
sans montrer le pouic-pouic bien caché au fond de notre poche
(le chien ne doit pas savoir que vous l’avez,
donc ne vous a même pas vu le mettre dans votre poche).

Le chien revient à vous,
et seulement à ce moment-là
vous pouvez sortir le super-pouic-pouic
pour lui donner en récompense et jouer avec lui.

 La différence peut paraître un peu subtile quand on n’a pas l’habitude, mais elle est essentielle.

 

  LA TRANSITION : SE DÉBARRASSER DU LEURRE ET PASSER A LA RÉCOMPENSE

Les différentes étapes pour le leurre-friandise :

1 – Je travaille avec mon leurre dans la main droite fermée, ma main s’ouvre pour récompenser le chien.

2 -Avant la séance je mets des friandises dans ma main droite (celle qui leurre via le geste)  pour continuer à avoir l’odeur des friandises dans cette main. Je fais comme si j’avais toujours le leurre dans cette main pour guider mon chien (main fermée) mais je récompense avec l’autre main.

3 – Idem. Ma main qui guide est la main droite (mais cette fois-ci sans odeur de friandises) et je récompense toujours avec l’autre main.

4 – Idem mais la récompense ne se trouve plus dans ma main gauche, mais posée sur le comptoir de cuisine ou dans une boite plus loin. La friandise ne vient plus de moi mais d’ailleurs.

5 – Parallèlement au point 4, la friandise-récompense sera cachée au début de l’exercice (dans une poche ou un placard), le chien ne devant pas savoir si elle est là ou pas.

Le plus long reste d’enlever le geste avant de pouvoir récompenser aléatoirement et donc pouvoir travailler sans rien dans les mains.

Note : Quand on travaille avec la nourriture, et notamment au leurre, il est intéressant ensuite de diversifier un maximum  les récompenses pour que le chien puisse se passer de la nourriture pour travailler. Chez moi ca va du jouet, au droit de jouer avec l’autre, au plongeon dans la rivière, à la porte qui s’ouvre pour aller en balade, à la gamelle etc.

Les différentes étapes pour le leurre-jouet  :

 Je ne l’utilise jamais comme un fil de marionnette car le jouet amène trop d’imperfection dans l’exécution du mouvement. Par contre, on peut l’utiliser pour ramener le chien à soi comme sur un rappel par exemple ou pour l’éloigner de soi comme une cible à 15m de nous.

Comment s’en passer dans ces cas là ?

Le but du jeu est de rendre le leurre de moins en moins visible. Les friandises nous permettaient de « tricher » car même cachées rapidement, leurs odeurs permettaient de les rendre moins visibles mais toujours présentes pour le chien.  Ici l’odeur ne peut pas aider, il faut donc trouver une autre manière de faire disparaître petit à petit le jouet-leurre. Houdini et David Copperfield n’étant pas là, va falloir se débrouiller tout seul.

Exemple quand le leurre est là pour attirer le chien, le faire revenir à nous (rappel, rapport d’objet) :

0 – Si le joujou en question est un jouet qui fait du bruit, une des premières étapes sera de pouvoir attirer le chien avec JUSTE en lui montrant, sans lui faire faire pouic-pouic.

1 – Le chien est éloigné de nous, on veut le faire revenir, on agite le joujou pour l’attirer (donc sans bruit), quand il arrive à nous, on joue avec lui.

2 –  Le chien doit savoir que son joujou favori est sur vous, donc lui montrer avant de commencer qu’il est dans la poche. Puis il faudra le sortir de la poche de plus en plus tard : d’abord dès que le chien tournera la tête vers vous, puis dès qu’il aura fait 1m dans votre direction, puis seulement quand il aura fait 5m dans votre direction, puis seulement quand il sera arrivé jusqu’à vous.

3 –  Les prochaines étapes consistent à apprendre au chien que même si vous ne lui montrez pas avant que son joujou est dans votre poche, il l’obtiendra. Au début donc, on montrera au chien que son jouet est dans la poche mais on fera un à plusieurs exercices avant de s’en servir. Le temps permettant un peu au chien d’oublier qu’il est là donc de le rendre « moins en moins visible » en rajoutant de plus en plus d’exercice avant son utilisation.

4 – Le moment est venu de ne plus montrer au chien que son joujou est dans la poche avant de commencer la séance. Il faut placer sa balle dans sa poche bien avant de prendre le chien, bien avant de prendre la voiture ou de sortir de la maison. Le chien ne doit pas savoir qu’elle s’y trouve. Le seul indice qu’il a, c’est votre veste. En général, on utilise toujours à peu près la même veste pour promener ou travailler avec son chien. Les étapes précédentes ont donc appris au chien que de cette veste là, de cette poche là, souvent une balle peut jaillir. Par conséquent, même en prenant toutes les précautions du monde pour ne pas mettre la balle dans votre poche devant votre chien, kiki a encore l’intuition qu’elle est là. Elle est quelque part toujours visible, toujours présente dans sa tête.

5 – On met toujours la balle dans sa poche hors de la vue du chien,  MAIS on diversifie les poches d’où elle arrive, les vestes, ça peut jaillir du pantalon, d’une veste de conduite, du K-Way, d’un gilet, d’une polaire etc.

6 – En parallèle, la balle peut arriver d’ailleurs et plus de vous (assistant qui lance la balle à votre place, vous allez la chercher gaiement dans un sac en félicitant vocalement le chien, elle est planquée sous votre bras alors que vous êtes en débardeur etc.)

Vous pouvez passer à la récompense de plus en plus aléatoire. Votre chien ne saura jamais si oui ou non la balle est là donc donnera son maximum au cas où même s’il ne l’a pas vu avant !

 Exemple quand le leurre est là pour attirer le chien, le faire s’éloigner de vous (utilisation comme une cible pour en-avant, carré, va plus loin, placement de sauts etc.) :

 Le principe est toujours le même : rendre le jouet-leurre de moins en moins visible jusqu’à ce qu’il devienne une récompense aléatoire. Ici pas moyen de le planquer dans vos poches, vu que le chien doit s’éloigner de vous. Voyons comment procéder avec l’exemple du carré d’obéissance !

1 – Au début, on commence par bien montrer au chien où il va pouvoir trouver son joujou, on peut jouer sur l’instinct de prédation (en lançant la balle dans le carré d’obé), pendant qu’un assistant tient le chien en excitation on remue le jouet de loin pour l’attirer avant de le poser au sol. On lâche le chien et quand le chien arrive au jouet, on le rejoint pour s’amuser avec lui.

2 – Même principe, mais au lieu de secouer le jouet dans tous les sens, de motiver le chien dessus, de  le lancer, on se contente de montrer le leurre-jouet de loin et de le poser tranquillement au sol.

3 –  On va toujours montrer au chien qu’on pose le leurre-jouet dans le carré, mais entre le moment où on va le poser et le moment où on va l’envoyer, on va insérer de plus en plus d’exercices et de jeux pour que le chien oublie un peu qu’il est là avec le temps.

4 –  On ira le poser hors vue du chien, bien avant qu’il descende de voiture et qu’il entre sur le terrain.

5 –  On rendra le leurre-jouet de moins en moins visible, en choisissant des jouets de plus en plus petits. Le chien le verra donc de plus en plus tard en arrivant dessus.

6 – Le leurre-jouet n’est plus au milieu du carré, il arrive d’ailleurs, par exemple on lance la balle  quand le chien arrive dans le carré ou quand il s’y couche. Votre jouet est devenu une récompense, il va donc pouvoir devenir ensuite une récompense aléatoire. On pourra également à ce stade diversifier les types de récompenses pour fixer le comportement.

 

  LES DIFFÉRENTES MANIÈRES DE TRAVAILLER AU LEURRE

1 – Apprendre au chien un mouvement dans sa globalité

Pour faire comprendre à un chien un mouvement dans une globalité sans insister sur le détail de l’exécution, je ne suis pas pour le leurrer longtemps. C’est l’exemple des apprentissages du Twist, de la Révérence, du « Fais le beau ». Pour que le chien assimile le mouvement qu’il doit exécuter, nous avons besoin du leurre pour le guider mais très vite (chez moi dès la 1ère séance), le leurre peut être enlevé et remplacé uniquement par le geste pour donner la récompense avec l’autre main.

Si vous travaillez au clicker, la disparition du leurre dans la main qui guide peut être encore plus rapide. Le clicker aide le chien à faire des propositions, je vais donc beaucoup travailler sur le « à toi d’essayer ». J’enlève le leurre et je fais un geste plus effacé et je vois. Si le chien me propose le bon truc, jackpot et j’arrête de leurrer. Si ça « merdouille », je refais une ou deux répétitions au leurre et je réessaie sans.

Le plus long finalement c’est de trouver en tant que maître le bon geste au leurre pour obtenir ce qu’on veut. On tâtonne parfois un bout de temps avec notre dé de jambon à chercher comment obtenir une révérence et non un couché. C’est sans conséquence si on pense à ne pas coder le comportement avec un ordre. Ce serait dommage que le chien associe cet ordre avec n’importe quoi parce qu’on n’arrive pas à obtenir le comportement exact à tous les coups à cause d’un geste imparfait.

Une fois qu’on a trouvé le truc, il suffit de foncer et l’apprentissage va très vite.

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Pour mémoire pour apprendre au chien un comportement au leurre :

– on cherche sans donner d’ordre vocal, quel geste avec un leurre en main va induire le mouvement qu’on veut obtenir

– on leurre ce comportement en répétant X fois le geste et en récompensant à chaque fois le chien. L’ordre vocal est donné quand le chien exécute l’ordre et non avant
(ex : quand il a les fesses par terre pour le assis)

–  on effectue la transition pour se débarrasser du leurre, mais on garde le geste et on récompense tous les bons comportements. L’ordre est donné quand le chien est en train d’exécuter l’ordre
(en train de s’asseoir)

– on continue ainsi en donnant l’ordre vocal de plus en plus tôt jusqu’à pouvoir le donner AVANT que le chien ne s’exécute

– on adoucit le geste jusqu’à pouvoir l’enlever

– on commence la transition vers la récompense aléatoire.  

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2 –  Travailler la mémoire musculaire

Ce travail sert par exemple à obtenir des couchés en sphinx (où encore mieux des couchés-tombés) plutôt qu’un couché en vache. La répétition du geste parfait pendant des mois et des mois va permettre au chien d’acquérir une mémoire musculaire d’un mouvement très précis et donc de le réciter ainsi et seulement ainsi par la suite dès qu’on le demandera.

Ici le leurre sert à obtenir un mouvement parfait, une précision, une impulsion. La répétition toujours identique du même mouvement étant la clé pour la mise en œuvre de la mémoire musculaire, je vais leurrer pendant des mois et des mois avant de commencer à enlever le leurre de ma main. Dans ce cas, je sais qu’il est temps de commencer la transition quand je « sens » que le geste est devenu « réflexe ». Les chiens arrivent même à l’exécuter au quotidien. Tels des sportifs, ils ont un geste parfaitement coordonnés, toniques, sans « y penser ». C’est le bon moment, je peux enlever mon leurre. Au pire, je pourrais de toutes façons ensuite travailler sur discrimination au clicker du geste parfait pour me rassurer ou perfectionner le mouvement (comme ça ok, comme ça pas ok) mais c’est rarement nécessaire.

CANAL VISUEL OU CANAL AUDITIF

Petite remarque née de l’observation de mes chiens qui me pousse à travailler autrement qu’au leurre si j’en ai la possibilité. C’est une des limites du leurrage à mon sens.

En comparant mes différents chiens, j’ai constaté qu’un travail effectué en majorité au leurre apprend au chien à se concentrer essentiellement sur le « visuel », sur les ordres gestuels. Les chiens que j’ai moins bossés au leurre sont plus fixés sur le codage vocal. Un peu comme si le travail au leurre développait surtout un certain type de connections entre leurs neurones loool.

Quand je travaillais à la fois au geste et à la voix je pouvais percevoir une différence entre mes chiens suivant le type d’apprentissage que j’avais privilégié. Certains étaient plus perdus avec les gestes, d’autres plus perdus avec les ordres vocaux. Pratiquant une discipline qui utilise exclusivement l’ordre vocal, j’essaie de faire attention à ce détail même si le leurre reste un outil indispensable dans ma panoplie.

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