Départs d’attaque à la sauce clicker

Départs d’attaque à la sauce clicker

Ok, ouvrir la catégorie « Ring » de ce blog par un article sur le clicker c’est un peu provoc’. Mais que voulez-vous j’aime ça et qu’on ne s’y méprenne pas, ce petit boitier plastique est de moins en moins un OVNI sur les terrains d’utilisation.

Je suis une dinosaure du clicker, y’en a un qui traine dans mes affaires d’entrainement depuis plus de 10 ans maintenant. Autant dire qu’à l’époque, je n’avais que quelques articles en anglais pour comprendre le principe et que moi-même et mes chiens pour faire mes expériences et apprendre par tâtonnements ses avantages et ses limites.  Quand je me suis lancée dans le ring avec Enken, le clicker a suivi clandestinement… Je n’ai pas franchement osé le sortir à l’entrainement, mais j’usais discrètement de ses concepts sur le terrain ou je l’utilisais pour les pré-apprentissages à la maison.

On en parle surtout pour les apprentissages au niveau du plat, soyons provoc’ jusqu’au bout, et voyons comment il m’a servi sur la partie mordante du programme de Ring pour les départs d’attaque.

Le but : Positionnée derrière mon chien couché en pas bouger,
je veux obtenir de lui qu’il me regarde MOI plutôt que l’Homme Assistant (HA)
alors que l’HA est beaucoup plus tentant et sexy que moi
(ceci est une spéciale dédicace pour remercier tous ceux qui se donnent du mal pour faire mordre mon malivueren) 

 

1 – LES DEVOIRS A FAIRE A LA MAISON

Mon jeune chien ayant acquis l’exercice du pas bouger (et connaissant le fonctionnement du clicker), je dois lui apprendre désormais à me regarder quand je me place derrière lui.

Pour ça, j’utilise une balle de tennis qu’il aime et adore plus que tout.  Je le place en couché pas bouger et je vais poser sa baballe quelques mètres devant lui ou je la lance si je sais à peu près viser (ce qui n’est pas mon cas…). Je ne dis rien et je vais me positionner derrière lui. Là… J’attends… Je ne dis pas un seul mot… J’attends… Oui le clicker est un jeu de patience où il faut savoir attendre.

Enken lui, comme tout bon belge qui se respecte, n’est pas du genre foncièrement patient par contre ! Alors que fait-il au bout d’un moment ? Il me regarde genre « Hé dis donc ! Quand est ce que tu me dis que c’est bon et que je  peux aller chercher ma baballe moi, tu m’as oublié ou quoi ? ». BINGO, j’ai mon regard ! Je clique et je donne aussitôt mon commandement de libération pour l’autoriser à aller chercher sa balle. Je recommence la même opération 4/5 fois de suite. L’important est de bien synchroniser le moment où il tourne la tête même si ce n’est qu’un dixième de secondes, et le moment où on clique/récompense. Ici la récompense c’est la libération pour choper la balle.

Enken n’étant pas idiot (oui un belge de travail peut avoir quelques éclairs d’intelligence des fois), à ce stade, dès que je me mets derrière lui, il me regarde aussitôt pour gagner sa balle. J’ai le comportement voulu, me reste à le peaufiner comme je veux.

Le critère à rajouter avant de pouvoir faire notre coming-out au club, reste la durée du regard.  Un dixième de secondes, c’est pas folichon pour l’instant. Pour le travailler, il suffit… d’attendre sans rien dire.

On recrée la même situation que l’exercice précédent, mais ce coup-ci avant de cliquer et d’envoyer le chien sur sa balle, on attends une seconde. Puis deux secondes. Cinq secondes. 10 secondes. 20 secondes. 30 secondes. 45 secondes. 1 minute. Plus on progresse, plus on demande au chien de maintenir son regard dans la durée pour gagner le clic et donc sa récompense (le droit d’avoir la balle).

Si le chien se plante en phase d’apprentissage. Par exemple s’il re-regarde la balle au lieu de vous fixer droit dans les yeux pendant 1min sans faiblir. On ne dit rien, on l’engueule pas, on le reprends au pied et on recommence, couché pas bouger en demandant peut-être une durée légèrement moins importante que précédemment. On réduit l’objectif pour aider le chien à réussir avant de le ré-augmenter petit à petit. Le chien n’est pas idiot, (même un belge) plus vite il s’exécute, plus vite il gagne sa balle, autant bien faire !

 Vous en êtes à 1min de regards langoureux ? Il est ptete temps de se lancer dans la cour des grands maintenant. Allez hop, sur le terrain et que ça saute !

 

2 – L’HOMME ASSISTANT N’EST QU’UNE GROSSE BALLE QUI SE TRÉMOUSSE…

 Ok c’est un peu dur. Les reléguer ainsi au statut d’homme-objet sans plus de dignité qu’une vulgaire balle de tennis, c’est vache après tout ce qu’ils font pour nous. J’avoue. Allez, je suis sympa, je retire le « gros », vous n’êtes pas gros, vous êtes magnifiques, de vrais athlètes, de vrais adonis dans votre costume d’attaque moulant ! N’empêche que si on suit le principe, vous êtes… « une baballe ».

L’une des critiques que j’entends le plus souvent sur le clicker dans les sports de mordant, c’est que le chien n’en a rien à foutre de la croquette qu’on lui remue sous le nez, l’HA c’est bien plus fun ! Schuis d’accord ! La méprise est d’associer le clicker systématiquement à la bouffe. Ce qu’il faut retenir avec l’apprentissage au clicker c’est que :

TOUT CLIC DOIT ÊTRE RÉCOMPENSÉ

C’est tout ! Mais y’a rien qui précise ce qu’est cette récompense. Pour moi, une récompense ultra-motivante c’est simplement le truc que désire le plus mon chien à cet instant T.  Face à un HA, y’a rien de plus fort, ce que désire le plus mon chien alors c’est pouvoir le mordre à plein crocs. Ok ! C’est ma récompense ! Par contre, l’ami va falloir faire ce que je veux MOI, pour l’obtenir ta récompense.

Et on recommence donc notre cirque, comme avec la balle, mais cette fois face à un homme d’attaque :

« Couché, pas bouger ». Je me place derrière et j’attends. Dès qu’il me regarde, même si ce n’est qu’un dixième de secondes, je clique et j’envoie à l’attaque avec l’ordre « Enken attaque ». Comme la séquence a déjà été travaillée sur balle et que ce n’est qu’une transposition du même comportement sur l’homme assistant, la progression est beaucoup plus rapide, et dès quelques attaques on peut commencer à faire patienter le chien.

Ce qui est génial, c’est que nous avons ici tous les pouvoirs en tant que maître. Nous sommes les seuls à l’entrainement à pouvoir décider de quand on donne l’ordre et donc l’autorisation d’attaquer. On peut donc à loisir augmenter progressivement le paramètre durée, toujours faire attention à envoyer le chien QUE quand il nous fixe intensément etc. C’est nous qui choisissons !

Et va falloir cliquer longtemps comme ça !?

 

3- LE CLICKER N’EST QU’UN OUTIL D’APPRENTISSAGE

 Autre critique régulièrement entendue sur le petit boitier qui fait click : « En concours, tu n’as pas de clicker ». Je n’ai pas de laisse non plus, pourtant je me sers beaucoup de ma laisse à l’entrainement. Laisse comme clicker ne sont que des outils d’apprentissage. Une fois l’ordre acquis, à part pour peaufiner quelque chose, y’a plus besoin.

En règle générale, j’enlève le clicker, une fois que mon exercice est codé correctement. Dès que je peux donner l’ordre et que mon chien s’exécute, j’enlève le clicker et je commence à passer en récompense aléatoire. Ici, c’est un peu différent puisque je n’ai codé AUCUN ordre. Je n’ai pas de mot pour demander à mon chien de me regarder, ce n’est qu’une histoire de contexte. Il sait que quand je me place derrière lui de cette façon, il doit tourner la tête vers moi, c’est tout. Dès qu’on atteint une certaine durée de fixation, on peut donc enlever le clicker très facilement pour ne gérer qu’avec le timing de l’ordre « attaque ».

Bon allez, j’avoue tout. Je n’ai pas eu le courage de faire mon coming-out à l’entrainement.

Je n’ai utilisé le clicker qu’à la maison, et je l’ai enlevé dès les premières mises en situation face à l’homme d’attaque. D’abord en compensant deux trois fois avec le « ouiiiiiii » qui est mon ordre de libération juste avant de l’envoyer, puis très vite juste en donnant l’ordre « attaque ». Je suis timide comme fille, je n’aime pas jouer les extra-terrestres. Mais mon chien avait compris qu’il devait me regarder pour gagner, le clicker ne m’était donc plus d’aucune utilité.

 De la même façon, maintenant qu’Enken connait son boulot, sait ce qu’il a à faire « me regarder et attendre l’ordre pour partir », je serais intransigeante sur le fait de ne pas me voler un départ et si je dois sanctionner, je sanctionnerais.

 

4 – A LA SAUCE CLICKER, HMMM C’EST MEILLEUR

L’intérêt ici de l’utilisation du clicker sur les départs d’attaque c’est que plus la motivation en face est forte, plus le chien s’applique, fait des efforts,  a envie d’obéir pour gagner sa récompense (qui n’est autre que la motivation elle-même).  C’est un cercle vertueux. Au lieu de lutter pour être plus forte que son envie d’y aller, je l’utilise comme motivation à faire ce que MOI je veux. C’est vachement plus reposant !

Quand nous sommes tous les deux sur le terrain, les yeux dans les yeux. Qu’il est tendu à l’extrême prêt à bondir à mon autorisation. Quand il gémit d’envie, de frustration de devoir attendre. Quand l’homme assistant est là à deux pas à jouer du bambou de la tentation, il me fixe encore plus intensément. Il bout intérieurement face à cette maitresse qui ne comprend rien et il insiste encore et encore « Je te regarde, t’as vu je te regarde, envoie-moi ! Mais envoie-moi purée, je te regarde là pourquoi tu ne m’envoies pas !? ». Moins je l’envoie, plus il me regarde.

C’est la torture du Zhu Zhu appliquée à l’homme assistant !

 

5 – PAS D’OS DANS LE POTAGE !

Dans toutes les méthodes il y a des avantages et des inconvénients, des points auxquels il faut savoir être attentif. Le point critique ici est qu’aucun ordre n’a été codé. Le comportement n’est lié qu’à un contexte. Le clicker est un formidable outil de proposition. Habituellement, c’est un ordre qui me permet ensuite de cadrer « ce droit à la proposition ».

Ok au début, je vais cliquer toutes les roulades de mon chien quand il me les propose sur une séance de clicker. Très vite, je vais donc obtenir 50 roulades à la minute ce qui va me permettre d’associer très facilement l’ordre « roule » à ces roulades (il entendra « roule » 50 fois à la minute, faut être neuneu pour pas associer les deux). C’est l’intérêt même du clicker. Mais ensuite, mon chien n’exécutera des roulades QUE sur commande. Une roulade proposée en plein milieu des positions à distance ça serait gênant….
Si je ne cadre pas avec un ordre, je cadre avec un contexte TRES fort c’est à dire un contexte qu’il ne peut pas rencontrer facilement ailleurs. Par exemple, difficile pour lui de me proposer un placement sur tapis sans tapis.

Mais ici, le seul contexte c’est ma position « derrière lui », et la présence de l’homme assistant face à lui. Malheureusement, c’est une situation qu’il peut rencontrer ailleurs que sur des départs d’attaque. A moi d’y être vigilante et de le rappeler à mon équipe.

Ainsi,  les départs d’attaque ont ressurgi chez Enken pendant le débourrage de la garde d’objet. Il a d’ailleurs eu une période où il essayait plein de choses pour gagner encore plus de mordant sur la garde d’objet. « Hum, faut que je cesse pour retourner à mon panier… et euh, si j’essayais de tirer l’HA jusqu’au panier, j’pourrais avoir mes pattes sur l’objet et l’HA en même temps ! Tout bénéf ! » Désolée mais ça ne marche pas comme ça. Face à l’HA qui se faisait désirer en n’entrant pas dans le périmètre autorisé, Enken a donc aussi tenté un « je regarde ma maitresse, ca va ptete déclencher l’entrée de l’HA dans le périmètre sacré et je pourrais sortir ? » Ca n’a pas marché, sa tentative s’est soldée par un échec et il a laissé tomber l’idée. La résurgence du travail au clicker des départs d’attaque a été étouffée dans l’œuf. No conséquence !

Mais, j’étais consciente de ce qui se tramait à ce moment T quand je l’ai vu se mettre à me regarder. J’ai de suite indiqué à l’équipe de ne surtout pas entrer dans son jeu et de ne surtout pas déclencher une sortie quand il me regardait.  L’important c’est ça ! Il faut avoir conscience de ce qui se passe, du tenant et des aboutissants quand on travaille au clicker pour en maitriser l’apprentissage.

C’est la seule limite à retenir, si on sait ce qu’on fait et qu’on est vigilant, le clicker c’est tout bénéf !

 

6- PERFECTIONNISME INSIDE

Le clicker est un formidable outil d’apprentissage mais plus encore, c’est un excellent outil pour peaufiner un exercice. Sa précision chirurgicale, son mode d’utilisation qui pousse très vite le chien à comparer les situations où il gagne le clic et celles où il n’obtient rien, permet de régler à l’extrême chaque exercice.

Dans le cas présent, on peut ensuite travailler sur les manifestations d’excitation du chien pour consolider ses départs :

– cliquer et envoyer à l’attaque QUE quand le chien nous regarde et est silencieux. D’abord dans le 10ème de secondes où on va choper un silence, puis en augmentant progressivement cette durée de silence comme précédemment.

– cliquer et envoyer à l’attaque QUE quand le chien nous regarde et qu’il a les deux coudes qui touchent le sol selon le même principe.

– cliquer et envoyer à l’attaque QUE quand le chien nous regarde et que ses pattes avant sont parfaitement immobiles (pour lutter contre les trépignements d’impatience).

Pour ceux qui doutent de ce degré possible de précision. Je vous laisse regarder une vidéo ICI sur le réglage d’un départ d’agility. Le chien tendu à l’extrême et prêt à bondir anticipe le futur saut en rentrant la tête dans les épaules, en se tassant. Ce comportement pouvant être gênant pour l’appel du saut et constituant un risque de faute de barre, le travail au clicker a consisté à apprendre au chien à attendre au départ en restant « droit ». A ce niveau, ce n’est plus du sport, c’est de l’horlogerie ! Mais c’est le prix à payer pour tout compétiteur de haut-niveau, et le clicker est un outil à ne pas négliger pour ces maitres horloger.

 

Évidemment, ce pinaillage extrême ne doit pas faire oublier nos « basiques » de consolidation des départs notamment le fait de pouvoir bouger, éternuer, parler, dire le nom de son chien, respirer sans que le chien parte ou nous quitte du regard. Ce sont des paramètres que l’on peut bien sûr aussi travailler au clicker, d’abord tranquillement chez soi sur une balle, puis grandeur nature avec l’HA.

 

La dernière chose et pas des moindres, c’est de ne pas laisser s’abîmer son départ si parfait par manque de rigueur. C’est le plus dur !  Et je suis aussi fautive que n’importe qui d’autres sur ce point je l’avoue. Il est difficile à l’entrainement alors qu’on a plein d’autres choses en tête et à travailler de penser à ne jamais envoyer son chien et à le reprendre alors qu’il a seulement décroché du regard imposé 1/4 de sec, qu’il a tressailli d’une patte, ou qu’il a poussé un petit gémissement. Sur la multitude de départs d’attaque d’un entrainement, sur la nécessité d’enchaîner pour ne pas terminer à pas d’heure, ou de se concentrer sur le problème du moment, on a tendance à oublier. Le chien nous regarde à peu près, il ne bouge pas et n’anticipe pas le départ, on considère que c’est l’essentiel. On a tort, on a tous tort, moi la première.

C’est ainsi que certains départs nous échappent, et plus le temps passe, plus ils sont nombreux à nous échapper. Le regard ne se détourne plus une seule fois, mais fait de plus en plus d’aller-retour entre l’HA et nous. La bête est de plus en plus chaude et notre départ si parfait se dégrade. C’est une des choses qui nous sépare des dresseurs de très haut-niveau. La seule solution : retravailler les détails et s’obliger à une rigueur sans faille, ne rien laisser passer, cent fois sur le métier reprendre le moindre grain de sable. L’outil ne fait pas tout, même le clicker !

Sur ce, je sais ce que j’ai à bosser 😉

 

 

 

PS : Dans l’article précédent, sur la torture du Zhu Zhu, j’avais posé une colle aux visiteurs sur l’élément manquant dans ma liste des pires distractions. C’était bien évidemment, l’homme assistant qui manquait, comme l’a proposé Aurélia. D’où cet article d’ailleurs. Il n’y avait rien à gagner, je n’ai pas de sponsor pour offrir des cadeaux loool. Néanmoins, si Aurélia me lit toujours et a une photo de son loup,  je peux le mettre en vedette sur le site pour illustrer un article (si y’en a une avec du mordant sportif, c’est encore mieux, je l’intègre de suite ici). L’appel est lancé. 

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